Content que tu le prennes bien, j’ai trouvé ma réponse d’hier un peu agressive, désolé!
Le truc c’est que non la loi ne l’autorise pas.
Depuis que j’ai lu le jugement de Google contre la guilde des auteurs, où un juge donne à Google un blanc seing à clairement violer la loi (reproduire des pages de bouquins sans autorisation des auteurs) j’ai compris que la loi, elle est davantage dite par les juges que par le législateur. Si Facebook fait des trucs illégaux en France derrière des portes fermées aux US, l’interdire ne va handicaper que les efforts ouverts.
Et je pense que quand on voit les dérives de l’Open source, notamment le fait que ce système permet aux gafam de s’enrichir grassement, on peut se demander qui du droit d’auteur français ou de l’Open source a le plus de problèmes vis-à-vis d’internet et du numérique.
Quelles dérives? L’open source est la seule raison qui a permis d’éviter les futurs les plus dystopiques en ligne, qui a permis à internet de continuer à être relativement libre (si si, les GAFAM sont tous optionnels, c’était pas gagné) et c’est encore en majorité sur des projets open source qu’internet se base. Les combats sont toujours en cours sur plein de champs de bataille. C’est un peu perdu sur les téléphone, sur l’IA on est en train de gagner mais faut pas vendre la peau de l’ours prématurément.
Je ne vois pas de quelle dérive tu parles? L’open source fait économiser de l’argent à tout le monde, c’est une tellement bonne idée que plein de boites privées s’y sont mises. C’est pas une dérive, c’est une volonté de base. C’est un projet qui est encore, dans son essence, anarcho-communiste (lien vers un post+commentaire qui explique ça plus en détails) Que des turbo-capitalistes y participent sans aucune concession de notre part et “donnent” des contributions est une victoire totale, pas une compromission ou une dérive.
Le droit d’auteur (en général, pas spécifiquement le français) est ce qui a permis à notamment Google et Youtube de vendre un système centralisé comme essentiel à tout. Pendant longtemps on a eu un système très supérieur à Youtube pour voir des vidéos en ligne: P2P+VLC et j’arguerais que c’est encore une combo supérieure en terme de contenus. Ce sont les ayant droits qui ont rendu ce système illégal alors que non commercial, volontaire, non-capitaliste.
Le web différent, il a été rendu illégal. La tech est là et toutes les libs derrière elle sont open source.
Et pour le coup forcer a respecter les lois en vigueur ça serait un bon début. Et oui même quand c’est chiant.
Les lois en vigueur sont si floues et mal définies qu’on ne sait toujours pas si les poids d’un modèle sont copyrightable ou si c’est un produit dérivé des oeuvres vues à l’entrainement. Y a des arguments dans les deux sens, la loi ne le dit pas, et le premier jugement rendu dépendra de la rhétorique des avocats et de ce que je juge aura mangé à midi. Et des usages en vigueur, qui sont un argument fort: c’est un noeud gordien: l’usage deviendra légal s’il est répandu. J’exagère pas, on en est là. On a des exhortations à respecter une loi dont la lettre est floue et dont l’esprit est bafoué par ceux qui nous demandent de faire la chose soit-disant morale.
Faut faire gaffe avec la posture du “les vraies auteurs blablabla” contre les méchants ayant-droit rentiers.
Tu admettras qu’il y a quand même une différence fondamentale entre des auteurs qui ont produit leurs œuvres et les gens qui en ont hérité parfois sans avoir même connu l’auteur. Dune, Tintin, Lord of the Ring, Ambre, et j’en passe sont des franchises mutilées par des héritiers alors qu’elles se porteraient mieux dans les mains de leurs fans. Il suffit de voir l’explosion de créativité autour des univers de Lovecraft ou de Conan Doyle quand ils sont tombés dans le domaine public pour voir que le droit d’auteur ampute la culture.
Je veux bien entendre les intérêts des créateurs de leur vivant (et encore, le copyright original c’était 21 ans après la première publication), mais je dois t’avouer que pirater du Tintin ou du Brel, j’ai du mal à voir ça comme immoral.
“Publier” veut dire “Mettre entre les mains du public”, c’est donner à l’oeuvre une liberté de participer à la construction de l’imaginaire collectif et de la culture. J’ai l’impression que cette composante du contrat social est un peu trop souvent oubliée.
Mais ce qui est la réalité c’est que l’évolution social ne suit pas l’évolution tech. Les techs forcent la mains depuis 30ans, mais il y a 30ans on nous promettait un web bien différents de celui qu’on a. A qui la faute? Principalement a des boites tech
Alors je lutte beaucoup contre cette tendance à faire de “la tech” et des “boites techs” des synonymes. Ça invisibilise toute la partie non-capitaliste de la tech, tout l’open source, et tous les activistes numériques qui crient dans le vide depuis des décennies mais qu’on est bien content de trouver quand une partie pratique du web se merdifie.
L’évolution sociale, oui, elle suit et boit les paroles des grosses boites et ignore la voix de la “tech”, la vraie, celle des devs, ingés et des chercheurs qui la font. Je ne sais pas qui accuser en priorité, je trouve que les journalistes ont un grand rôle, mais j’ai aussi décidé que c’était aussi à moi de parler sur un mode un peu plus politique, un peu plus culturel, des sujets ouverts qui me tiennent à coeur quand j’entends trop de mensonges ou d’idées fausses à leur encontre.
Bah si c’est flou. C’est prévu par la loi de pouvoir regarder une oeuvre et de s’en inspirer. C’est interdit d’en faire une oeuvre dérivée. Miyazaki a eu le droit de regarder Le Roi et l’Oiseau et de s’en inspirer pour ses oeuvres aériennes et oniriques. Un auteur n’a heureusement pas le droit de t’interdire de nourrir ton imaginaire avec ses oeuvres.
Tu as également le droit de faire des stats sur le nombre d’apparition de Haddock dans Tintin. De faire des analyses de la colorimétrie, des apparitions de mots, etc. et c’est pas considéré comme une oeuvre dérivée et l’auteur ne peut l’interdire. Un modèle de génération d’images fait ça à l’échelle au dessus, en faisant des stats au niveau du coup de crayon. On peut arguer qu’il est d’un coté ou de l’autre de la ligne. C’est pas jouer au con: la loi est totalement floue là dessus.
Euh… quoi?
Historicité: les projets open source publient généralement tout l’historique de leur développement. Tu peux littéralement dire qui a écrit quelle ligne d’un projet. Dans le dernier auquel j’ai contribué je devais même signer cryptographiquement chaque commit. C’est le seul endroit à ma connaissance où ça marche comme ça! Aucun éditeur de boite privée ne te donnera un tel détail.
Les clauses “share alike” ça a été inventé par le mouvement open source. Les licences GPL à l’origine, que perso je préfère aux licences BSD et Apache qui permettent de fermer le produit plus tard. Un soft sous la GPL, si, il est largement sorti du système capitaliste car il ne peut plus devenir un “produit de propriété intellectuelle”. Il peut être utile à une boite capitaliste, principalement parce que ça diminue leurs coûts, mais l’écosystème open source existe en dehors ou en parallèle du capitalisme
Le fait que l’on possède collectivement les moyens de production logiciel, j’ai la faiblesse de penser que c’est pas mal communiste si. C’est pas anti-capitaliste en soi, c’est un modèle post-capitaliste, non-capitaliste, qui pour beaucoup de monde semble être l’état stable logique de n’importe quelle tech: ouverte, possédable par tout le monde.
Oui, parce que l’open source est un mouvement né de l’opposition à la propriété intellectuelle et qui a décidé de combattre cette dernière par la subversion. La plupart des libristes seraient heureux qu’on retire toute propriété intellectuelle à tous les programmes. Tu n’imagines pas à quel point l’informatique serait différente si on avait le droit de s’échanger des binaires propriétaires sans être accusés de piratage. À quel point on pourrait facilement rendre plein de systèmes plus compatibles et secure.
L’open-source est un pis-aller, un compromis auquel nous a forcé la propriété intellectuelle.
C’est quoi “les techs”?
Et sur le web, y a 30 ans de “recul sur les usages” sans qu’on ait remis à plat le copyright (qui a beaucoup plus d’influence à l’échelle mondiale que le droit d’auteur). La législation est allée dans le sens des boites qui avaient les moyens de violer la loi parce qu’in fine le législateur a été incapable de comprendre que streaming et download sont la même chose. Cette semi-liberté a été conquise en démontrant des usages qui ont demandé à ignorer la loi. C’est ça le problème. “Obéissez à la loi mais démontrez les usages que d’autres lois pourraient permettre” est une contradiction et c’est pourtant comme ça que ça a évolué.
Alors je suis d’accord que c’est nul, que la loi devrait comprendre et protéger les usages qui vont dans l’intérêt du plus grand nombre, mais ni en France, ni aux US ça ne marche comme ça. C’est de la défense des intérêts de ceux qui crient le plus fort, avec un fort bonus au conservatisme quand les choses sont trop compliquées.
Les nouveaux usages, on doit les démontrer en marge des lois. La génération d’image en est un bon exemple: si tout le monde prenait ton acceptation de “ne faisons surtout rien qui puisse être considéré un jour illégal”, personne ne prendrait aux sérieux la possibilité de génération d’images de qualité professionnelle. Le débat ne se poserait jamais et la techno n’aurait jamais émergé.
C’est un problème sérieux, et les deux seules positions semblent être “interdisons tout” et “ignorons les lois”. J’aimerais bien qu’on réinstalle un peu le dialogue entre ces deux positions extrémistes qui n’ont pas l’air de comprendre ce que l’autre fait.